Mamy Kanku Tondola était il y a quelques mois encore présidente de la Ligue des femmes de l’UNC. Elle a depuis quitté le parti présidé par Vital Kamerhe et fait le choix de travailler avec la Majorité présidentielle qui soutient le chef de l’Etat, Joseph Kabila. Elle s’explique dans cette interview exclusive.
Pourquoi avez-vous quitté l’UNC et son président, Vital Kamerhe ?
Je l’ai dit dans ma lettre de démission envoyée le 2 octobre 2017. C’est une question de conviction. J’ai adhéré à l’époque à l’UNC car Vital Kamerhe était, à ce moment-là, dans une opposition constructive et établissait une politique de développement très aboutie en guise de programme. Désormais, je me garderais de critiquer les positions actuelles de M. Kamerhe. Simplement, je ne me sens plus convaincue, plus suffisamment pour que nous fassions route ensemble. Il me fallait donc prendre du recul pour voir comment continuer à participer à la consolidation de la démocratie en RDC.
Encore une fois, c’est une question de conviction car je crois en Dieu, je crois en la Bible. Or, celle-ci dit que tout ce qui est fait sans conviction est péché. Et quand vous faites quelque chose par négligence, vous êtes semblable à la personne qui détruit. Je n’avais plus foi en l’UNC. Je ne voulais pas me contenter d’être une simple figurante. J’ai donc décidé de partir et quitté ce parti, sans renoncer, bien au contraire, à ma volonté de fortifier la démocratie dans notre pays.
L’UNC a enregistré de nombreux départs ces derniers temps, pas seulement le vôtre. Pourquoi ?
Je ne saurais le dire et parler pour les autres. Chacun à ses raisons. Pour ma part, c’est une question de conviction. Je n’aime pas faire quelque chose pour faire plaisir à quelqu’un mais tout simplement parce que cela correspond à mes idéaux, pour faire le bien, apporter quelque chose à la société. J’ai donc décidé de poursuivre autrement mon parcours politique.
Etes-vous plus à l’aise désormais dans votre nouveau positionnement ?
Je me plais dans ma position actuelle, ni contre la majorité ni contre l’opposition. Car elle me permet d’être impartiale et d’apporter un jugement sans parti-pris, constructif, pour le bien être de tous, sans chercher à favoriser les intérêts politiques de tel ou tel mais ceux de tous les Congolais. Car il y a des gens valables tant du côté du pouvoir que de l’opposition qui peuvent se mettre ensemble, travailler ensemble pour reconstruire notre pays, notre nation, notre démocratie.
C’était en quelque sorte l’idéal de Patrice Lumumba qui voulait avoir un grand pays, libre et démocratique, avec un peuple Congolais pleinement souverain, totalement maître de ses choix et en position de pouvoir jouir de ce qui lui revient de droit, le fruit de son travail et la richesse de son sous-sol.
Pensez-vous que nous nous acheminions vers les élections en 2018 ?
Il faut que nous parvenions à organiser les élections. Le peuple attend cette échéance. Le Président Kabila, qui a toute notre reconnaissance, a déjà organisé deux grandes élections, en 2006 et 2011. Nous lui demandons de le faire encore, car c’est une prescription constitutionnelle. De ce point de vue, je suis très optimiste car dans la majorité présidentielle, dans l’entourage du Président Kabila, il y a des hommes d’Etat, des têtes bien faites qui ont le sens de l’intérêt général, et qui du coup sont tout à fait capables de poursuivre la mise en œuvre de la vision du chef de l’Etat, celle des cinq chantiers.
Etes-vous à l’aise, vous qui venez des rangs de l’opposition, avec le fait de travailler avec la majorité au pouvoir ?
Quand vous débattez avec les gens au pouvoir, on sent l’intelligence, la vision, la volonté de changer les choses pour que cela profite à tout le monde en RDC. Cela est d’autant plus remarquable que la situation est difficile. Or, c’est sur eux qu’il nous faut compter pour développer le pays. Car ce ne sont pas les étrangers, la communauté internationale, encore moins les députés européens, qui vont travailler au développement de notre pays.
Les Congolais doivent s’impliquer. Pour cela, il faut notamment arrêter de diaboliser la majorité présidentielle. Au pouvoir, il n’y a pas que des monstres. Tout comme il n’y a pas que des saints dans l’opposition. Aujourd’hui, les kabilistes sont avec l’UDPS, les Tshisekedistes sont avec Joseph Kabila. Les frontières politiques d’hier ont donc explosé. Elles sont dépassées. Nous devons par conséquent sortir de ce manichéisme stérile. Même si aujourd’hui, l’opposition était au pouvoir, elle aurait besoin de l’expertise des gens de la majorité. Le peuple ne doit donc pas se laisser instrumentaliser.
Pourquoi vouloir remplacer Kabila à tout prix aujourd’hui ? Cela n’a pas de sens. Si nous sommes en politique, c’est pour gérer les affaires publiques au nom de l’intérêt général et non pour promouvoir les intérêts de tel ou tel leader politique. Malheureusement, je constate qu’aujourd’hui, les champions de l’insulte sont ceux qui sont dans l’opposition qui n’a pas une attitude constructive. Ils ne sont que dans l’insulte, l’argumentaire facile. Or, l’opposition devrait revoir sa stratégie car celle-ci n’a rien donné hier ; elle ne donnera rien aujourd’hui.
Que pensez-vous des marches à répétition organisées par l’opposition en RDC ?
Je ne suis pas contre le principe des marches. Mais si c’est seulement pour casser des choses, montrer à la communauté internationale que le pouvoir en place tue, cela ne sert à rien. Le calendrier électoral est là. Nous devrions plutôt aider la CENI à tout faire pour organiser de bonnes élections dans les délais. C’est ça, notre devoir. De bonnes choses sont faites par le pouvoir, comme la modification de la loi électorale. Nous avions 700 partis politiques, dont un grand nombre ne comptent qu’une poignée de personnes. Cela n’avait aucun sens. Il fallait assainir tout ça pour revitaliser notre démocratie. Et c’est la majorité présidentielle qui l’a fait en relevant à 1 % au niveau national le seuil de représentativité pour être élu député.
Quel message aimeriez-vous délivrer à la classe politique congolaise en ce début d’année 2018 ?
J’aimerais lui dire ceci : travaillons tous ensemble pour permettre à Corneille Nangaa de surmonter les différentes contraintes et organiser les élections. L’opposition aussi doit s’y préparer afin que le peuple se prononce. Personne ne peut en effet s’arroger le droit de parler au nom du peuple tant que celui-ci ne s’est pas prononcé par la voie des élections. Ceux qui sortent dans la rue ne représentent même pas 0,005 % de la population. Ils ne sont pas du tout représentatifs du sentiment général du peuple congolais. Allons aux élections pour voir qui est réellement ou pas populaire et qui mérite, par conséquent de diriger le pays. C’est ça la démocratie.
Propos recueillis par Ali Bomayé à Kinshasa