Le Maroc vole-t-il la pluie de l’Espagne ?


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Nature luxuriante d'un côté, sécheresse de l'autre
Nature luxuriante d'un côté, sécheresse de l'autre

Sur les réseaux sociaux, des publications accusent le Maroc de voler la pluie de son voisin ibérique. Des averses, normalement destinées à tomber sur le sol espagnol, auraient été détournées par le royaume, d’après les accusateurs. Si le procédé est connu depuis longtemps, il s’agit dans ce cas précis d’une fake news, contredite par les experts météo.

L’herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin, c’est bien connu. Cette expression ancienne signifie à l’origine que nous croyons que les autres ont plus de chance que nous, qu’ils sont mieux lotis, et qu’on trouvera mieux ailleurs. De ce proverbe universel, des internautes ont fait une fausse nouvelle. Créant ainsi la dernière polémique en date entre voisins marocains et espagnols.

Voler la pluie

L’accusation est de plus en plus fréquente entre régions voisines, et même entre Etats. En effet, certains pays accusent leurs voisins de modifier la météo et de détourner la pluie à leur profit. Ceci dans le but de favoriser leur agriculture, ou la recharge des cours d’eau et des nappes phréatiques (réserves d’eau souterraine).

Dans un contexte de changement climatique mondial, et de réchauffement rapide de certaines régions du globe, avec des périodes de sécheresse, le sujet est brûlant. Et il nourrit toutes les peurs. Les réseaux sociaux – caisse de résonance des sociétés – qui amplifient colères et fantasmes, n’échappent pas au phénomène.

Ensemencer les nuages

Modifier le temps qu’il fait est un vieux rêve de l’homme : tantôt pour faire pleuvoir, quand on manque d’eau, tantôt pour favoriser l’ensoleillement, quand on en a besoin. Si contrôler les conditions météo est impossible, faire pleuvoir est en revanche faisable, dans certaines conditions.

La technique utilisée pour faire tomber la pluie est l’ensemencement des nuages. En injectant des particules artificielles (chlorure de sodium et iodure d’argent, le plus souvent) dans les nuages, ont fait grossir les gouttes d’eau ou on les transforme en cristaux de glace. Cette modification accélérée de l’équilibre interne du nuage fait tomber les gouttes au sol : c’est la pluie.

Ce procédé, utilisé depuis les années 1950, permet d’influencer les précipitations, mais il ne peut pas « créer » de pluie (il faut un nuage comme base). Et son efficacité fait débat : selon les études, cette technique augmente les précipitations de 5% à 20%. Ce n’est donc pas une solution miracle.

Inquiétude en Espagne

Après une année 2022 très chaude, et un déficit en pluie pendant l’hiver, la péninsule ibérique est confrontée à une sécheresse persistante. La météo de ce printemps, avec seulement quelques averses éparses, est source d’inquiétude pour les agriculteurs comme pour la population. D’où cette tendance à accuser le voisin marocain.

Devant l’emballement, les météorologues sont intervenus pour calmer les esprits et rétablir la vérité. Les spécialistes assurent que la sécheresse actuelle sévit également au Maroc, et même davantage qu’en Espagne. Les dernières pluies constatées au Maroc, entre la mi-avril et la fin avril, sont dues à une zone de basse pression au-dessus de l’Algérie qui a entraîné des tempêtes dans l’Atlas marocain.

Samuel Biener, spécialiste dans le domaine de la climatologie chez Meteored explique : les précipitations au Maroc viennent de « l’interaction des vents maritimes, chargés d’humidité, avec le relief du secteur ». « On croit que le Maroc est associé au désert alors que, dans l’Atlas, les précipitations annuelles moyennes sont beaucoup plus [abondantes] que dans de nombreuses régions d’Espagne ».

L’eau, un bien commun

Présenter la péninsule ibérique comme une « île de sécheresse » face à un Maroc « irrigué et fertile », pour accréditer un prétendu vol d’eau, relève donc de la méconnaissance, voire de l’affabulation.

S’il n’est point question d’un vol de pluie au final, on peut en revanche parler d’un véritable détournement d’intelligence concernant les auteurs de cette fake news, aux tendances complotistes.

Ce triste buzz permettra au moins de rappeler que l’eau est un bien commun, un liquide précieux qui devient rare. Et qu’il nous faut par conséquent l’économiser, chacun à son niveau, et la partager. C’est, hélas, la seule vérité à retenir.

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