Nigéria : les délégués d’Amnesty International qualifient les conditions carcérales d’« épouvantables »


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Un homme tenant le drapeau du Nigeria
Un homme tenant le drapeau du Nigeria

De retour du Nigéria, des chercheurs d’Amnesty International se sont dits consternés par les conditions de vie dans les prisons du pays et par les retards considérables de la justice nigériane.

« Les conditions dans lesquelles le gouvernement nigérian maintient ses détenus sont épouvantables, a déclaré Aster van Kregten, responsable des recherches sur le Nigéria au sein d’Amnesty International. De nombreux détenus attendant d’être jugés croupissent pendant des années dans des cellules sales et surpeuplées, où sont souvent incarcérés indifféremment adultes et mineurs. Certains, surnommés les « prisonniers oubliés », n’ont jamais été présentés à une autorité judiciaire et ignorent combien de temps durera leur détention, simplement parce que leur dossier s’est perdu. »

La délégation d’Amnesty International a passé deux semaines au Nigéria, au cours desquelles elle a visité une dizaine de prisons dans les États d’Enugu, de Kano et de Lagos ainsi que dans le Territoire de la capitale fédérale.

À l’issue de ces visites, l’organisation a appelé le gouvernement nigérian à consacrer de toute urgence les fonds nécessaires à l’amélioration des conditions carcérales et à faire en sorte que tous les détenus soient jugés dans un délai raisonnable.

Dans de nombreuses prisons, les détenus doivent dormir à deux sur un lit ou sur le sol, dans des cellules où les conditions d’hygiène sont déplorables. Les toilettes, qui se réduisent généralement à un trou dans le sol, débordent le plus souvent en fin de journée. L’insalubrité et la promiscuité accentuent les risques d’épidémie.

Au Nigéria, trois prisonniers sur cinq attendent d’être jugés, souvent depuis des années. Les chercheurs d’Amnesty International se sont entretenus avec plusieurs détenus qui leur ont dit que cela faisait huit ans ou plus qu’ils attendaient que leur cas soit réglé. La détention interminable avant un procès est tellement fréquente au Nigéria que les grâces présidentielles et gouvernementales périodiques sont systématiquement étendues aux personnes ayant déjà passé plus de temps en prison à attendre d’être jugées que la durée de la peine maximale d’emprisonnement à laquelle elles auraient été condamnées si elles avaient été jugées et reconnues coupables.

Des adolescents étaient détenus avec les adultes dans quatre des plus grandes prisons qu’Amnesty International a visitées. Dans la prison de Kuje (Territoire de la capitale fédérale), 30 mineurs, dont certains âgés d’à peine onze ou douze ans, partageaient le même dortoir que 175 adultes.

La loi nigériane prévoit que les prisons doivent préparer la réinsertion des prisonniers. Certains établissements qu’Amnesty International a visités offraient des possibilités de formation et de travail à un nombre limité de prisonniers, mais même ces établissements manquaient de livres, de fournitures et de matériel pour la formation professionnelle.

Tous les établissements disposaient de personnel médical et d’agents chargés de veiller au « bien-être » des prisonniers, mais les détenus ont souvent indiqué que les consultations et les médicaments étaient réservés à ceux qui pouvaient payer des pots-de-vin.

Ces extorsions de fonds peuvent s’expliquer en partie – mais en aucun cas être excusées – par la pauvreté des gardiens. Très peu payés en règle générale, des gardiens de prison ont indiqué à la délégation d’Amnesty International à la fin juillet qu’il venaient de recevoir leur salaire du mois de juin.

Les conclusions d’Amnesty International confirment celles de plusieurs commissions et groupes de travail relevant du président du Nigéria, ainsi que les conclusions auxquelles sont parvenues depuis plusieurs années d’autres organisations nationales et internationales.

« Nos conclusions ne devraient pas surprendre le gouvernement nigérian, la situation catastrophique qui règne dans les prisons du pays ayant déjà été dénoncée par de nombreux experts et organisations, a conclu Michael Bochenek, directeur des politiques à Amnesty International et membre de la délégation qui s’est rendue au Nigéria. Ce qu’il faut maintenant c’est que le gouvernement s’attaque de toute urgence à la misère humaine et à l’injustice que génère cette situation. »

Amnesty International diffusera un rapport complet sur ses conclusions plus tard dans l’année.

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