Le film Barbie a été interdit en Algérie pour « atteinte à la morale ». Les autorités ont déprogrammé le blockbuster après trois semaines de projection en salle. Cette interdiction suscite l’incompréhension alors que le long-métrage cartonne chez le voisin marocain.
L’Etat algérien n’aime pas le rose. Sans doute plus habitué au kaki des tenues militaires, le pouvoir n’est pas à l’aise avec les couleurs vives. Le film de Greta Gerwig, avec les stars Margot Robbie et Ryan Gosling, est pourtant le succès de cet été au cinéma.
Au box-office, le long-métrage devance en effet des films comme Oppenheimer, Mission Impossible, ou Indiana Jones. Mais ce succès planétaire, aux couleurs acidulées, ne passera pas par l’Algérie.
Une interdiction ordonnée en cachette
Car les autorités algériennes ont décidé de retirer le film des écrans, après trois semaines d’exploitation. L’information a été confirmée par plusieurs journaux dont le site d’information en ligne 24H Algérie. Sorti le 19 juillet en Algérie, Barbie est donc maintenant interdit de diffusion, considéré comme une « atteinte à la morale ».
C’est par une simple note, envoyée aux salles de cinéma des trois préfectures (Alger, Oran, et Constantine), que le Ministère de la Culture a ordonné de « retirer immédiatement » le long-métrage. Une opération réalisée discrètement, sans avertir la presse ni le public. D’ailleurs, deux jours après, le Ministère n’a toujours pas communiqué sur les raisons réelles de cette déprogrammation.
Le pouvoir algérien gêné par Barbie ?
Cette décision inattendue suscite incompréhension et mécontentement parmi la population algérienne. Pourquoi retirer le film des écrans, alors qu’il a reçu un visa d’exploitation ? Pourquoi après plusieurs semaines, alors que 40 000 Algériens l’ont déjà vu ? Et surtout, quel est le problème avec un film sur une poupée ? De quoi les autorités ont-elles peur ?
Les spectateurs qui ont vu le film sont étonnés. « La salle affichait complet, des familles entières étaient venues voir le film. Je n’ai remarqué aucun signe de mécontentement. Je n’arrive pas à comprendre cette décision », affirme une enseignante d’Oran citée par Le Monde.
Les professionnels du cinéma en Algérie se montrent beaucoup plus critiques. « Si le film a été programmé, c’est qu’il a obtenu un visa d’exploitation de la commission de visionnage, qui autorise la diffusion des films. C’est scandaleux de déprogrammer un film », dénonce une productrice.
Censuré en Algérie, diffusé au Maroc
La décision des autorités algériennes est d’autant plus incompréhensible que le film est un succès commercial partout dans le monde. Les nombreuses entrées qu’il réalise sont une véritable bouffée d’oxygène pour les cinémas, fragilisés par l’épidémie de Covid-19 et la fermeture des salles pendant plusieurs mois.
Le Maroc voisin, lui, n’échappe pas à la vague Barbie et diffuse bien le film. La Barbie-mania s’est même emparée du royaume, comme le note le journal Le Matin. « Devant les salles de cinéma, c’est un festival de couleur rose ! […] Dans les centres commerciaux, c’est la même folie pour les articles en rose : t-shirts, pantalons, robes, sacs, chaussures ».
Qu’on aime Barbie ou pas, il semble difficile de faire comme si le film n’existait pas. Et il paraît impensable d’interdire aux spectateurs de se forger leur propre opinion. C’est pourtant la voie qu’a choisi l’Algérie – avec un retard à l’allumage d’un rare amateurisme – tandis que le Maroc, à l’inverse, fait confiance à ces citoyens.
Comment voir le film Barbie en Algérie ?
Suite à cette déprogrammation, les Algériens ne peuvent donc plus voir le film au cinéma. Quelle solution leur reste-il ? Aller voir le film chez le voisin marocain ? L’espace aérien entre les deux pays étant fermé depuis deux ans, ils devront passer la frontière en voiture ou en bus. Un peu compliqué…
C’est donc hélas le piratage – 2e sport national en Algérie, après le football – qui permettra à ceux qui le souhaitent de visionner Barbie. Cette pratique, illégale faut-il le rappeler, se trouve ainsi encouragée par les autorités algériennes. Qui se privent, par la même occasion, d’importantes recettes fiscales liées à la vente de tickets.
La cinéaste Sofia Djama a clairement dénoncé cette situation dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. « En censurant [ce film], vous faites la promotion du piratage. En tant que réalisatrice, je ne peux pas concevoir qu’une institution publique encourage le piratage ».